Le fantastique et son énonciataire : figures de l’indicible et sortilèges de la narration dans Les sept châteaux du roi de la mer et Dürer l’idiot de Jean Ray
Date
2011
Authors
Leroy, Fabrice
Journal Title
Journal ISSN
Volume Title
Publisher
Dalhousie University. Electronic Text Centre
Abstract
The literary criticism devoted to the mechanics of the implicit and the poetics of indetermination that characterize, according to various theoreticians, the structural functioning of the fantastique genre, often focuses on the various degrees with which this type of literature makes its supernatural element visible — how it strikes a balance or maintains a tension between pure suggestion (drawing a maximum of effects from an often unkept promise of showing the macabre or the supernatural) and the actual exhibition of strange happenings. Between hyperbolic overstatement and allusive understatement of a terrifying subject matter, and between the explicit and implicit sides of this equation, the question of what is shown can also be approached as a narrative contract between a narrator and his audience. In this article, I analyze the contrasted and complementary devices that underpin two short stories by Jean Ray, Les sept châteaux du roi de la mer [The Seven Castles of the King of the Sea] et Dürer l’idiot [Dürer the Idiot]. Many of Jean Ray’s fantastic fictions indeed present themselves in the form of an oral narration and stage a storytelling situation in a public context (spooky stories told viva voce in seaport taverns, for instance). By its recurrent sabotage of the verbal storytelling accounts and its repeated enunciative derailing, Les sept châteaux du roi de la mer opts for the formula of the “empty” narrative, which unfolds reflexively and reiterates its promise of frightening revelations without ever disclosing its thematic material, systematically kept out of scope, as if its very articulation were impossible or cursed. In contrast with this extreme form of under-representation, Dürer l’idiot experiments with the opposite formula and relies on the device of a narrative whose excesses in representation result themselves in the materialization of the supernatural in the ordinary world of the story.
La réflexion critique sur les mécanismes de l’implicite et la poétique de l’indétermination qui caractérisent, aux yeux de divers théoriciens, le fonctionnement structural du genre fantastique, se focalise avec récurrence sur les modalités d’un dosage de monstration propre à cette littérature: équilibre ou tension entre le recours à la pure suggestion (tirant un maximum d’effets d’une promesse — latente mais jamais tenue — de spectacularisation) et l’actualisation d’une présence du surnaturel ou du macabre. Entre les pôles d’une surenchère explicite (hyperbole ou hypotypose) et d’une sous-enchère implicite (allusion ou évocation partielle, mutisme, substitution), la question du montré se pose également sous l’angle du contrat narratif entre énonciateur et énonciataire, dont nous proposons ici d’examiner les dispositifs contrastés et complémentaires dans deux nouvelles de Jean Ray, Les sept châteaux du roi de la mer et Dürer l’idiot. Nombreuses sont en effet les fictions fantastiques de Jean Ray qui se présentent sous la forme d’une narration orale et mettent en scène une situation d’énonciation dans un contexte public (histoires terrifiantes racontées de vive voix dans des tavernes de port, par exemple). Par son court-circuitage permanent de l’acte narratif et ses déraillements énonciatifs à répétition, le récit des Sept châteaux opte pour la formule du récit “vide”, qui s’effectue en gigogne et renouvelle ses promesses d’épouvante sans pourtant déployer son matériau thématique, qui reste systématiquement en deçà de la représentation. Par contraste à ce “trop peu”, Dürer l’idiot se situe quant à lui du côté du “trop” et met en jeu la formule du récit à ce point excessif qu’il déclenche l’intrusion même du surnaturel dans l’univers quotidien de la diégèse.
La réflexion critique sur les mécanismes de l’implicite et la poétique de l’indétermination qui caractérisent, aux yeux de divers théoriciens, le fonctionnement structural du genre fantastique, se focalise avec récurrence sur les modalités d’un dosage de monstration propre à cette littérature: équilibre ou tension entre le recours à la pure suggestion (tirant un maximum d’effets d’une promesse — latente mais jamais tenue — de spectacularisation) et l’actualisation d’une présence du surnaturel ou du macabre. Entre les pôles d’une surenchère explicite (hyperbole ou hypotypose) et d’une sous-enchère implicite (allusion ou évocation partielle, mutisme, substitution), la question du montré se pose également sous l’angle du contrat narratif entre énonciateur et énonciataire, dont nous proposons ici d’examiner les dispositifs contrastés et complémentaires dans deux nouvelles de Jean Ray, Les sept châteaux du roi de la mer et Dürer l’idiot. Nombreuses sont en effet les fictions fantastiques de Jean Ray qui se présentent sous la forme d’une narration orale et mettent en scène une situation d’énonciation dans un contexte public (histoires terrifiantes racontées de vive voix dans des tavernes de port, par exemple). Par son court-circuitage permanent de l’acte narratif et ses déraillements énonciatifs à répétition, le récit des Sept châteaux opte pour la formule du récit “vide”, qui s’effectue en gigogne et renouvelle ses promesses d’épouvante sans pourtant déployer son matériau thématique, qui reste systématiquement en deçà de la représentation. Par contraste à ce “trop peu”, Dürer l’idiot se situe quant à lui du côté du “trop” et met en jeu la formule du récit à ce point excessif qu’il déclenche l’intrusion même du surnaturel dans l’univers quotidien de la diégèse.
Description
Keywords
Salgari, Emilio, 1862-1911., Science fiction, Fiction
Citation
Leroy, Fabrice. Le fantastique et son énonciataire : figures de l’indicible et sortilèges de la narration dans Les sept châteaux du roi de la mer et Dürer l’idiot de Jean Ray. Belphégor: Littérature Populaire et Culture Médiatique. 10.2 (2011). Web.